Paysages en mutation

Comme lors de sa première édition, le Festival Close-Up présente un focus Paysages en mutation dédié aux regards cinématographiques portés sur notre manière d’habiter le vivant, trop souvent spectaculaire et prédatrice.

Dans Atlantide, Yuri Ancanari représente une Venise bien différente de celle à laquelle touristes et cinéphiles sont habitués. À travers les ondulations et les méandres de la lagune, des adolescents, à l’existence quasi-invisible, font de cette grande étendue d’eau un terrain de jeu pour leurs hors-bords. Le film capte ainsi un moment de grand changement pour la lagune vénitienne, avec en arrière-plan un tourisme de masse qui interroge.

Simon Coulibaly Gillard croise les destins d’une ville ivoirienne peu à peu grignotée par la montée des eaux, et de ses habitants, peu à peu forcés à l’exil. Malgré les conditions de vie précaires, Aya, elle, décide qu’elle ne partira pas. Le film est un témoignage fort sur les premiers migrants climatiques et sur les liens entretenus avec l’océan, paysage à la fois destructeur et libérateur.

Tara film éponyme d’une rivière où mythes et réalités se côtoient, où le paysage présumé guérisseur se heurte à un autre mythe, celui du progrès qui
sacrifie nature et tissu social sur l’autel du développement économique. Volker Sattel et Francesca Bertin filment celles et ceux qui luttent pour la préservation de leur territoire et de ses paysages et mettent en dialogue un territoire et ses habitants.

Autre histoire de révolte dans Nos Soleils où une famille d’agriculteurs catalans est bousculée par la modernité et son lot d’injustices. Le film capture notre dépendance au sol nourricier, il montre la modernisation forcée des campagnes et le manque de perspectives pour les petites exploitations familiales.

À travers ces différents films, on comprend que l’œil caméra peut nous permettre, entre autres, de comprendre et cartographier de manière pratique et sensible certains usages collectifs du territoire et certaines cohabitations avec le vivant. Alors que nous bâtissons de manière spectaculaire, c’est l’idée même d’habitat qui nous échappe. Si nous détruisons les habitats des autres, c’est sûrement que nous y sommes aveugles. Ce qui est en jeu, c’est donc notre manière d’habiter, ou plutôt de cohabiter, avec le vivant. Et certains films ont la puissance de réhabiliter et réhabiter ces paysages trop souvent délaissés, trop longtemps maltraités et incompris, trop souvent réduits à la simple toile de fond sur laquelle les humains jouent ou se projettent.

Clément Petit, urbaniste en devenir et collaborateur Close-Up