10-17 octobre 2023
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Programme

L'urbanisme revu et corrigé par Luc Moulet

Conférences / Masterclass / Séances spéciales

98’ /

Alors qu’il a déjà tourné plusieurs longs métrages, en avril 1980, Jean Collet propose à Luc Moullet de tourner un court métrage. Il hésite. Le retour à ce format était mal perçu dans la profession. Les dictionnaires de cinéma mentionnent rarement les courts dans la carrière d’un cinéaste. Mais, après avoir vu d’autres cinéastes y revenir (Vecchiali, Varda, les Straub) et après réflexion, il considère que les nouvelles d’un écrivain sont parfois meilleures que ses romans, il accepte donc.

Il va en tourner près de trente jusqu’en 2014. Dont six qui concernent directement notre thématique. Luc Moullet a toujours aimé la géographie, dès l’enfance il savait lire et dessiner des cartes. Il n’aime pas beaucoup Les Havres auquel il reproche de manquer d’humour. Il est vrai mais le ton, à la fois ironique et implacable, est donné. Du Havre reconstruit par Perret, et qu’on réduit à sa seule architecture en béton armé avec ses rues à l ‘américaine, exclusivement parallèles ou perpendiculaires, il nous en montre toutes les facettes, toutes les incongruités. Avec Aerroporrr d’Orrrrly, il détourne une commande en exposant le quotidien insupportable des habitants condamnés à supporter les nuisances sonores des avions. En 1990, il découvre les anciens terrils du Nord de la France mais pas seulement. Il dénonce, en les escaladant, leur abandon avec tendresse et humour, et rêve de les voir devenir des nouveaux lieux d’attraction à l’égal des Pyramides ou du Grand Canyon. Certains l’ont pris au premier degré mais pourquoi pas ?

Quelques années plus tard, il revient à Foix, la ville la plus ringarde de France selon sa femme, et invente un vrai-faux documentaire touristique qui dit (sur le ton convaincu du commentateur  ce n’est pas cette fois la voix de Luc Moullet) le contraire de ce qu’on voit, une architecture désuète et aberrante, des incohérences urbanistiques à la pelle. C’est d’une cruauté désopilante. Après ce massacre, pour se racheter, Moullet imagine un couple partant à la recherche d’une nouvelle implantation de Paris, pour vaincre la pollution et la surpopulation. C’est géographiquement et scientifiquement loufoque, un régal de mélange de sérieux et de fantaisie.

C’est enfin à la découverte d’une certaine Amérique, l’Amérique profonde, la ville de Des Moines, où ont grandi, enfin pas très loin, John Wayne et Jean Seberg que part  Luc Moullet.  Et qu’est-ce qu’il nous fait voir ? Une ville fantôme faite de pavillons analogues et de terrains abandonnés, où les inégalités abondent au sein d'un quotidien sans attrait, où les habitants vivent la journée à l’intérieur d’un mole géant, comme des bêtes, comme des zombies. On sent poindre derrière l’absurdité qui fait rire, le désespoir. 

Films présentés : 

1) Le Ventre de l’Amérique / 1996 / 25’ : A la recherche de la ville la plus emblématique de la médiocrité américaine, Luc Moullet débarque à Des Moines, capitale de l’Iowa.

2) Les Havres / 1984 / 12’ : Le film s’attache à montrer les multiples facettes de la ville du Havre

3) Aerroporrr d’Orrrrly / 1990 / 6’ : Le Val de Marne proposa un jour à Luc Moullet de faire un documentaire sur un lieu du département. Il choisit de rencontrer des habitants qui évoquent les nuisances sonores provoquées par la proximité de l'aéroport.

4) Foix / 1994 / 13’ : Documentaire touristique sur la ville de Foix, « la ville la plus ringarde de France »

5) Imphy capitale de la France / 1995 / 25’ : En réponse à certains qui lui reprochent son anti-provincialisme, Luc Moullet décide de médire de Paris et de partir à la recherche d’une nouvelle capitale.

6) La Cabale des Oursins / 1990 / 17' : Et si les terrils du Nord de la France étaient considérés comme un centre d'attraction touristique, au même titre que le Grand Canyon du Colorado ou les Pyramides d'Égypte ?

D’abord critique aux Cahiers du cinéma, dès 1956, où Luc Moulet se distingue autant par son érudition que par l’originalité de son approche des films, il devient ensuite, sans abandonner la critique, producteur et réalisateur d’une trentaine de courts métrages et de dix longs (Brigitte et Brigitte, Une Aventure de Billy the Kid, Anatomie d’un rapport, La Comédie du travail, Les Naufragés de la D 17….) , tous enthousiasmants, souvent désopilants, bizarres et drôles. Godard a écrit qu’il considère Luc Moullet comme un « Courteline revu par Brecht ».

Programmation
Dimanche 15 14:30 - 16:30CITÉ DE L'ARCHITECTURE (Paris 16) - Entrée Libre ajouter

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