10-17 octobre 2023

Programmation

Un acteur dans la ville : Bébel

Belmondo, le magnifique dans la ville

 

« Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville, allez-vous faire foutre. »

Michel Poiccard, alias Jean-Paul Belmondo, dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard

 

La gouaille radicale devait impérativement servir d’exergue à cet exercice de haute voltige : tenter de cerner les rapports du casse-cou Belmondo-Bébel avec l’environnement urbain. Dès avant le film de Godard (le septième d’une filmographie qui in fine en compte plus de 80), les personnages incarnés par le jeune Jean-Paul tendent tous à prouver qu’un acteur, c’est d’abord un corps dans un décor. Et le corps de Belmondo fut d’entrée de jeu, un corps qui ne tient pas en place dans un décor très majoritairement parisien, exception faite, pour ces années initiales, de l’escapade aixoise avec Chabrol dans A Double Tour sorti en 1959, quelques mois avant A bout de souffle. Ce tropisme parisien est d’abord celui de l’homme Belmondo lui-même, né à Neuilly-sur-Seine et mort à Paris, avec une jeunesse du côté de Denfert Rochereau, plus tard un hôtel particulier dans le 6è arrondissement et pour finir un hommage national dans la cour d’honneur des Invalides. Difficile de faire plus parisien. Les films reflètent tout autant cette fibre urbaine, capitale même serait-on tenté d’écrire avec et sans jeu de mot. Si A bout de souffle commence sur la Canebière, il se déploie à Paris depuis les Champs-Elysées en passant par un hôtel sur un quai de Seine pour se terminer vraiment dans ce 14è arrondissement natal, rue Campagne Première. Pour sa première mort au cinéma, Belmondo court, depuis le numéro 11,, à bout de souffle, dans une artère parisienne aussi typique que chargée de références artistiques (Pompon, Atget, Man Ray, Aragon, Triolet, de Staël, Klein y élurent domicile et atelier, entre bien d’ autres). Godard inscrit donc Belmondo dans Paris, Truffaut faisant de même avec Doinel. La Nouvelle Vague sera urbaine ou ne sera pas ( à quelques rares exceptions près). Contrairement à Gabin avant ou Depardieu après, Belmondo ne saurait incarner la ruralité. Sa verticalité bondissante est celle des immeubles, de Paris à Rio. Attaché par un filin entre deux immeubles brésiliens, Belmondo, avec l’aide de Philippe de Broca, installait  durablement l’image  d’un héros sympathique (doux rêveur, espion, flic, voleur, voyou, marginal ou professionnel c’est tout comme). Mais un héros en perpétuel mouvement dans des villes qu’il arpente le plus souvent en voiture. Et s‘il lui est arrivé de prendre le métro parisien une fois, ce fut, on s’en souvient, pour nous faire peur sur la ville en ne restant pas sagement sur le quai ou sur une banquette.

Alors, oui, la France de Belmondo-Bébel est définitivement urbaine, tournant le dos à celle des paysans d’hier. La ville devient alors un immense terrain de jeux, de cascades, de cavalcades, de poursuites et de pirouettes en tous genres. Un nouveau western moderne s’y déroule. Mais toujours avec le sourire, Bébel oblige. Vous n’aimez pas la ville ? Etc !

Laurent Delmas

A bout de souffle

Jean-Luc GODARD
France

L'Homme de Rio

Philippe DE BROCA
France

Le Doulos

Jean-Pierre MELVILLE
France

Peur sur la ville

Henri VERNEUIL
France, Italie

Propulsé par FestiCiné