Section Architecture à l’écran

À l’image des éditions précédentes, cette section s’aventure à explorer des bâtiments, des cités, des morceaux de ville à travers le cinéma. Comme le dit très justement Serge Toubiana, il existe, entre la pratique de l’architecture et celle du cinéma des « passages secrets, des passerelles ou des ponts, des métaphores communes qui permettent d’aborder de manière poétique ce qui fait au fond le territoire commun, en partage, de ces deux activités tantôt artisanales, tantôt industrielles, qu’à première vue tout sépare » . Filmer l’espace, le temps, la lumière, les matériaux, la forme d’une rue ou d’un bâtiment afin de déceler l’esthétique et l’esprit d’un lieu sont autant de pistes de réflexion et de regards que cette section envisage à travers une série de documentaires d’une grande diversité. Ainsi, dans Et Pierre Jeanneret, Christian Barani met en perspective le projet architectural et urbanistique développé il y a près de soixante ans à Chandigarh (Inde) et la relation intime qui nait entre son concepteur, la population locale et une végétation omniprésente. Sa correspondance épistolaire (il resta 15 ans en Inde) avec le cousin Le Corbusier, resté en Europe, permet de s’affranchir de la figure tutélaire. Chandigarh demeure une référence majeur de l’architecture moderne et ce film en témoigne avec force. Innover en Inde comme en Belgique à une autre échelle, c’est possible ! Ici, ce sont les futurs acheteurs qui dessinent leur maison. Là, c’est un chantier en kit qui est confié à des étudiants. Trois architectes et une poignée d’habitants utopistes vont concrétiser leurs idéaux de logement. Tout juste sortis de mai 68, ils veulent démontrer le potentiel révolutionnaire de l’architecture industrialisée. Ainsi, pour un des architectes dans La vie en kit « habiter c’est s’amuser », l’adhésion des habitants permet innovation technique et expérience démocratique tout en assurant une adaptation forte avec le lieu. Composer avec le site, utiliser des matériaux de proximité et bâtir selon des traditions ancestrales sont les enjeux de deux films réalisés par l’Atelier Géminé, De terre et d’eau (sur la terre crue) et Au pays des pierres (sur la pierre sèche). Ces films militent pour une approche écologique de la construction et une réhabilitation des savoirs faire. Peut-on d’ailleurs parler d’écologie pour les milliers de logements réalisés par l’architecte Fernand Pouillon, en France, en Algérie ou en Iran ? Le film Du point du jour à l’éclipse revient justement sur l’aspect qualitatif de ses logements souvent baignés de lumière et ouverts sur le paysage et qui prouvent que l’on a pu construire des cités de plusieurs centaines de logements sans devoir les démolir quelques décennies plus tard. Dans Composer les mondes, l’expérience de Notre Dame des Landes permet à Eliza Levy de confronter et d’incarner la pensée de l’anthropologue Philippe Descola. Ainsi, selon lui, cette lutte pour expérimenter une autre relation aux mondes vivants a permis d’inventer « une nouvelle forme de vie fondée sur la mise en commun des biens ». Ces propositions aux formes et aux écritures singulières permettent de se projeter dans un monde plus désirable et de se faire l’écho du célèbre adage écologiste « Rien n’est à nous, tout est pour vous » ! Enfin, l’attention particulière que nous portons à la culture architecturale nous conduit encore cette année à accueillir de nouvelles écoles d’architecture et d’ingénierie afin de poursuivre ce travail d’ancrage territoriale et de sensibilisation au 7e Art.

Aldo Bearzatto, directeur artistique du Festival Close-Up